Unis par la prière avec le Père Jean-Luc Barrié.

J’ai été ordonné prêtre le 22 juin 1986 à Decazeville. Jusqu’à présent nous ne fêtions que les 25 et 50 ans mais Mgr François Fonlupt a voulu que nous marquions aussi les 35. Alors à l’occasion de cet anniversaire je voudrais, dans un premier temps, rendre grâce au Seigneur pour ces trente cinq années qui ont été d’une richesse que je ne pouvais imaginer à l’époque. Ma vie fut plus belle et plus grande que tout ce dont j’avais rêver. Ces années n’ont rien d’exceptionnel mais, pour le médiocre que je suis, elles ont été au-delà de toutes mes espérances. Bien entendu, il y a eu des croix, mais Dieu ne m’a jamais laissé seul pour les porter et m’a permis de les dépasser. Merci Seigneur !
Merci à mes parents et grands-parents auprès de qui j’ai fait la rencontre de Dieu. Merci à mes proches et mes amis qui m’ont soutenu tout au long de ces années. Merci aux prêtres qui m’ont formé et accompagné, que ce soit ceux rencontrés dans ma jeunesse, les professeurs du séminaire, les prêtres des paroisses où j’ai fait mes stages, ainsi que mes première années de ministère. Ils m’ont appris, par leur exemple, l’Église du Concile Vatican II, une Église à l’écoute de l’Esprit Saint qui parle en toute personne même hors de ses frontières. Une Église attentive à la vie des hommes et femmes de ce temps. Une Église ouverte, miséricordieuse, accueillante, ni moraliste, ni dogmatique. Une Église qui écoute avant de parler, qui écoute pour apprendre le langage de l’autre afin de lui annoncer l’Évangile avec ses mots à lui. Une Église qui écoute ce que l’Esprit Saint lui dit à travers la vie du monde. Une Église pour les pauvres et les petits, les publicains et les prostituées, les boiteux, les aveugles, les lépreux de ce temps. (Malades, handicapés, précaires, chômeurs, immigrés, sans papiers, jeunes à la dérive, divorcés remariés, homosexuel et autres pauvres et exclus ou méprisés d’aujourd’hui). Cette Église a été portée, entre autre, par les mouvements d’Action Catholique dans lesquels j’ai beaucoup appris et vu l’œuvre merveilleuse de l’Esprit Saint dans le cœur d’enfants, de jeunes et d’adultes.
Je veux remercier aussi les évêques qui m’ont fait confiance. Je connais mes limites et je trouve qu’ils ont fait preuve d’audace et même de témérité en me confiant certaines responsabilités.
Un très grand merci à tous les laïcs rencontrés durant ces trente cinq années. Ils m’ont donné, chacune, chacun, de voir en eux un visage singulier du Christ, ils m’ont appris mon ministère, ils ont nourri ma prière, ils ont accepté mes limites, ils ont pardonné mes faiblesses, nous avons vécu une collaboration, une communion riche et épanouissante.
Pardon à tous ceux que j’ai blessé ou déçu, par mes maladresses, mes colères et impatiences.

Favoriser de mon mieux la rencontre de toute personne avec le Dieu de Jésus Christ, miséricordieux et plein de tendresse, a été, pour moi, à la fois la préoccupation et la joie de toutes ces années.
Les sacrements célébrés ensemble ont été, tout au long de ma vie de prêtre, une source de paix, de joie, de plénitude, d’accomplissement et une force pour la mission.
Je crois que les pauvres, les petits, les exclus, les boiteux sont l’avenir de l’Église.
J’essaie de rester, de mon mieux, fidèle à l’Église de « Gadium et spes »* et « Lumen gentium »* Je crois en une Église pauvre et humble qui porte un regard bienveillant sur les hommes et femmes de ce temps, sur les découvertes de la science, sur les avancées sociétales.
Une Église qui se soucie moins de sa place dans la société ou de son influence sur les décideurs que de témoigner humblement, dans les actes, de l’infinie bonté de Dieu, de son attention aux petits, du pardon et du salut offert à tous. Une Église qui ne juge pas, n’exclue personne, mais au contraire accueille sans condition et manifeste la miséricorde de Dieu à tous sans exception. Une Église a l’école de la manière d’être et de faire de Jésus avec la Samaritaine, Zachée, Marie-Madeleine…
Mais aussi une Église qui ne s’inspire pas, pour la pastorale, des méthodes « managériale » du monde, obnubilée par les « compétences », qui me semble plus soucieuse d’efficacité immédiate que d’une attention miséricordieuse aux personnes que nous sommes appelés à aimer, à servir et à accompagner dans leurs faiblesses et imperfections, avec une gratuité totale à l’image du Christ Bon Berger.
La spiritualité qui a nourri ma vie est celle de l’incarnation, du mystère des trente années de silence à Nazareth. Une prière qui jaillie de la vie, qui éclaire et nourrit le quotidien en engageant à donner, à aimer, à partager. Une prière qui engage toute ma vie dans le service du Royaume de Dieu inauguré par sa naissance en notre chair, Royaume de justice, de paix, de solidarité, d’amour, qui se construit dans les riens de la banalité du quotidien. Une spiritualité qui ne nous retire pas du monde et de ses souffrances, mais bien au contraire qui nous donne de les porter, de les affronter, de les dépasser dans la confiance et l’espérance en la Résurrection de Jésus et de la réalisation de son projet pour l’humanité.
Je pense aussi que nous n’avons pas encore tiré tous les enseignements possibles de la constitution « Dei Verbum »* pour que la Parole de Dieu soit bien au centre de notre spiritualité, de notre pastorale et de nos prises de parole. J’ai peur aussi que nous nous éloignons petit à petit de l’esprit et de la lettre de la constitution «Sacrosanctum Concilium »* sur la liturgie.
Je crois que l’Église de France vit aujourd’hui une crise d’identité. J’ai lu récemment que même Rome s’inquiète de la voir devenir élitiste et identitaire. Mais je ne désespère pas. J’ai confiance dans le fait que ce n’est qu’une crise, donc temporaire, et qu’elle retrouvera bientôt le chemin qui est son essence même, « annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres, aux captifs leur libération, aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre entre liberté les opprimés.» Lc 4,18. C’est l’Évangile que j’avais choisi pour mon ordination il y a trente cinq ans, il reste pour moi une parole phare pour ma vie et pour mon ministère.
Dieu m’a accompagné, porté, réconforté, consolé, soigné, nourri, éclairé et pardonné au cours de ce déjà long ministère, je ne doute pas qu’il continuera à être pour moi « le Chemin, la Vérité et la Vie. » et ce pour l’éternité.
Je vous porte tous dans ma prière et je compte sur la votre. Merci à tous.
Jean-Luc Barrié
Une messe d’action de grâce sera célébrée par Mgr Fonlupt , en présence des prêtres et diacres jubilaires le mardi 29 juin 2021 en la basilique de Ceignac