Homélie du Père Jean-Luc Barrié :
Aujourd’hui, visiblement, Jésus s’intéresse à nos yeux, à notre vue. « Un aveugle peut-il guider un autre aveugle »… « Qu’as-tu à regarder la paille dans l’œil de ton frère, alors que la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas »
Il nous invite à nous arrêter un moment pour observer notre manière de voir, de regarder, de percevoir nos frères et sœur et nous même.
Nous pouvons donner des conseils à d’autres à propos de vie spirituelle, de la manière de vivre la charité, d’être en accord avec l’évangile. Leur indiquer ce qui nous semble le bon chemin pour eux, penser pouvoir leur indiquer les obstacles et dangers qu’ils peuvent rencontrer. Nous pensons y voir plus clair que eux, alors que peut-être nous avons bien du mal, nous même à ne pas nous tromper de chemin, à ne pas trébucher et tomber au moindre obstacle. Il nous arrive donc bien parfois de ressembler à un aveugle qui veut guider un autre aveugle.
Nous avons aussi la facilité de nous focaliser sur ce qui, chez les autres, nous agace, nous énerve, nous semble problématique, pas en accord avec l’Evangile, dangereux… Nous savons reconnaitre et dénoncer leurs défauts, leurs erreurs, leurs échecs…. Mais avons-nous le même regard de lucidité sur nous même ? Où est la paille et où est la poutre ?
L’évangile de ce jour fait suite à celui de dimanche dernier qui nous invitait à ne pas juger et à ne pas condamner. Il nous demandait aussi d’être miséricordieux comme notre Père du ciel est miséricordieux.
Il est possible que le regard que nous portons sur nos frères et sœurs ne soit pas toujours miséricordieux ou bienveillant.
Cela me rappelle, à l’époque où les prêtres célébraient toutes les sépultures, une dame qui, s’adressant à son curé, lui reprochait de faire de tout le monde des saints, de ne relever que les qualités des défunts et ce qu’ils avaient fait de bien.
Le prêtre lui répondit qu’elle avait surement raison mais qu’il essayait simplement d’imaginer ce que Dieu pouvait retenir de leur personnalité et de leur vie, et qu’il pensait que Dieu gardait en mémoire surtout ce qu’il y avait eu de beau et de bon, l’amour qu’ils avaient su donner.
Oui le regard de Dieu sur nous est bien plus bienveillant, bien plus miséricordieux que nous ne pouvons l’imaginer. Que ce soit sur nous même que sur nos frères et sœurs.
Maurice Zundel écrit que tout homme peut être un ostensoir qui donne à contempler la présence et l’œuvre de Dieu en lui. Comme nos relations seraient plus belles et plus simples si nous savions voir en l’autre ce qu’il a à nous révéler du visage de Dieu, ce qui en lui est une émanation du divin.
Il nous faut donc peut-être demander au Seigneur de pratiquer sur nous une greffe de cornée céleste pour que nous puissions voir avec ses yeux, que nous puissions regarder avec son regard de bonté et de tendresse.
« L’homme bon tire le bien du trésor de son cœur qui est bon. » nous dit aussi Jésus. Nourrissons notre cœur de sa présence par la prière et les sacrements, de son Esprit et de la lumière de sa Parole pour que le Seigneur puisse l’amender, le travailler, le cultiver, le rendre toujours plus bon, toujours plus proche du sien, afin que nous puissions en tirer du bon pour nous même et pour nos frères et sœurs.
Ensemble, pour nous-mêmes et les uns pour les autres, demandons au Seigneur la grâce d’un regard et d’un cœur à l’image du sien.