Homélie du Père Jean-Luc Barrié :
L’Eglise nous donne de fêter aujourd’hui en même temps, St Pierre et St Paul, les deux piliers de l’Eglise. Quand on va à Rome les deux basiliques que l’on visite en premier sont la basilique St Pierre, bâtie sur le tombeau de Pierre et la basilique St Paul hors les murs sur le tombeau de Paul. Tous deux sont morts en cette ville, martyrs, uni dans ce don de leur vie au Christ.
Pourtant tout aurait du les séparer. Pierre est un des premiers à avoir suivit Jésus en Palestine, premier disciple, premier apôtre. Paul, lui n’a pas connu Jésus, il a été l’un des plus virulents persécuteurs de chrétien, et c’est sur la route de Damas, pourchassant les disciples de Jésus, qu’il va faire l’expérience de la rencontre du Christ Ressuscité et qu’il va se convertir.
Pierre est un manuel. Avant de suivre Jésus il était artisan pécheur sur le lac de Tibériade. C’est un homme spontané, qui laisse parler son cœur. L’Evangile d’aujourd’hui en témoigne. Pierre laisse jaillir de son cœur une profession de foi dont il ne mesurera la portée réelle qu’après la pentecôte. Mais quelques instants plus tard, alors que Jésus annonce à ses disciples sa mort prochaine à Jérusalem, Pierre, toujours aussi spontané, lui dit « non cela n’arrivera pas ! »
Paul, lui est un citadin, il a été l’élève du plus grand rabbin de son temps. Il est un intellectuel de haut niveau, on pourrait l’imaginer aujourd’hui docteur en théologie, professeur à la faculté. Il sera le penseur de l’Eglise naissante. Ses lettres témoignent de la richesse de sa pensée.
Pierre est l’homme de la fidélité. Il est celui qui a accompagné Jésus au plus prêt, il faisait parti des plus proches que Jésus prenait avec lui dans les moments les plus intimes : le jour de la transfiguration pour guérir la fille de Jaïre, au mont des oliviers … Il est celui à qui Jésus, de son vivant, a confié l’Eglise, c’est le récit de l’Evangile de ce jour.
Il va être celui qui veillera à ce que cette Eglise naissante reste fidèle à la pensée, à la volonté de Jésus. Il est l’homme de la tradition, dans le bon sens du terme, l’homme qui enracine l’actualité de l’Eglise dans ce que Jésus a donné à ses apôtres.
Paul, lui, est celui qui va comprendre très rapidement qu’il faut ouvrir l’annonce de l’Evangile aux païens, aux non juifs. Tout en étant le meilleur connaisseur de la tradition juive il va ouvrir la pensée chrétienne à la modernité, à la philosophie grecque, à la pensée moderne.
Ces deux hommes avaient tout pour s’opposer et ils vont devenir les deux piliers sur lesquels va se bâtir l’Eglise. Depuis son origine, sa naissance, l’Eglise tient debout, vie et avance sur ces deux piliers que sont la fidélité à la tradition et l’ouverture à la modernité. Et toute sa vie, toute son histoire est marquée par ces deux réalités.
Aujourd’hui encore notre Eglise est traversée par ses deux courants. Il y a dans l’Eglise institution, à Rome, parmi les Evêques, mais aussi dans notre communauté paroissiale, ceux qui sont plus attentifs à rester fidèle à la tradition, au solide de notre histoire, de notre vécu commun (à ne pas confondre avec la nostalgie d’un avant concile) et ceux qui portent le souci de l’ouverture à la pensée moderne, aux besoins actuels de nos contemporains. Cela crée parfois des difficultés, des discutions, des conflits, des déceptions et des craintes. Mais il ne nous faut pas oublier que ces deux courants de pensées sont à l’origine de ce qu’est notre Eglise, et qu’elle ne peut vivre que traversé par eux.
Demandons à Dieu de nous aider à ne pas trop faire boiter notre Eglise. Que nous sachions garder ces deux piliers en leur permettant de maintenir en équilibre et en marche son Eglise. Cette Eglise dont Jésus nous a dit que « la puissance de la mort ne l’emporterait pas sur elle. »