Espérance dans l’altérité

Homélie du Père Jean-Luc Barrié

Un aveugle, mendiant, assis au bord du chemin, enveloppé dans son manteau, ce met à crier « Fils de David, Jésus, prends pitié de moi ! » La foule essaie de le faire taire se disant probablement : « Lui qui n’est rien, Comment ose-t-il déranger le maître ? », « Il nous casse les pieds avec ses cris ! ». Mais Jésus leur dit « appelez-le » et alors changement total d’attitude les voila tout gentils qui se tournent vers Bartimée et l’encouragent « Confiance, lève-toi ; il t’appelle. »
Ce dernier, qui abandonne son manteau et se jette d’un bond aux pieds de Jésus pour lui demander la guérison de sa cécité. Jésus le félicite pour sa foi « va, ta foi t’a sauvé », il retrouve la vue et, nous dit Marc, il suit Jésus, il devient son disciple.

Il y a dans ce texte bien des retournements et des échos aux chapitres précédents de Marc : Celui qui était assis au bord du chemin, se mets debout et suit Jésus, l’aveugle voit, l’exclus devient membre du groupe des disciples. L’aveugle est celui qui voit en Jésus le Messie. Alors que Pierre s’est fait reprendre vertement par Jésus parce qu’il ne voulait pas qu’il monte vers son arrestation et sa mort sur la croix.
Marc nous dit que le mendiant abandonne sa seule richesse, son manteau, pour se jeter aux pieds de Jésus, alors que le jeune homme riche n’a pas suivit Jésus ne pouvant renoncer à ses grandes richesses.
Celui qui est sensé ne pas voir est celui qui voit le plus clairement qui est Jésus. Lui dont on ne voulait pas est appelé par Jésus et devient son disciple.
Dans cet évangile, n’est pas le plus aveugle celui que l’on croit, et peut-être même le vrai disciple n’est pas celui que l’on attend.
Par ce récit Marc ne nous inviterait-il pas à faire attention ? Nous qui suivons Jésus de notre mieux peut-être sommes-nous un peu aveugle, peut-être que notre foi n’est pas tout a fait ajustée à sa personne.
Peut-être nous invite-t-il à abandonner un peu de nos sécurités même spirituelles ou religieuses pour ouvrir les yeux, ouvrir nos oreilles afin de le reconnaitre et l’entendre s’adresser à nous à travers nos frères et sœurs qui sont aujourd’hui sur le bord du chemin.
Il ne nous suffit pas d’être amis de Jésus du fond du cœur, il nous faut aussi le reconnaitre et l’entendre dans tous ses frères et sœurs qui aujourd’hui au bord du chemin appellent, crient, ou restent silencieux mais qui attendent un geste, une parole, un regard. « Confiance, lève-toi ; il t’appelle. ». Ils sont nombreux dans le monde, chez nous, et même au seuil de nos communautés chrétiennes. Ils nous dérangent peut-être un peu. Mais ils peuvent nous révéler le vrai visage de Jésus, ils peuvent nous permettre un dépassement, un déplacement humain, spirituel, qui nous rapprochera encore du Seigneur et fera de nous de véritables disciples. Jésus n’écoute pas la foule qui rabroue ce mendiant trop bruyant, il écoute la foi et l’appel de cet homme capable de tout abandonner pour le suivre, et qui a reconnu en lui celui qui portait toute son espérance. Nous sommes aveugles tant que nous n’adoptons pas le regard de Jésus sur nos frères et sœurs et en particulier sur ceux qui nous dérangent.
Que Dieu nous en donne la grâce.