Homélie du Père Jean-Luc Barrié
Jésus met en garde ses disciples sur le regard qu’ils portent sur les hommes. Il dénonce la tendance des scribes à tout faire pour être remarqués, vêtements d’apparat, places d’honneur, longues prières publiques… et le fait qu’ils exploitent les veuves, pauvres parmi les pauvres à son époque.
Et c’est justement une de ces veuves qu’il donne en exemple « elle a mis dans le Trésor plus que tous les autres. Car tous, ils ont pris sur leur superflu, mais elle, elle a pris sur son indigence : elle a mis tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre. »
Un don qui à la fois suscite admiration et louange de la part de Jésus mais aussi probablement un écho, une illustration du scandale qu’il dénonce à propos des scribes qui dévorent les biens des veuves. Après avoir dénoncé le souci de visibilité des scribes Jésus met en avant cette femme que personne n’avait remarquée, et qui surement a fait tout ce qu’elle a pu pour passer inaperçue.
Cette mise en garde de Jésus me semble d’une actualité criante.
Nous vivons dans une société dans laquelle le fait d’être vu, remarqué est essentiel. Il faut communiquer ! N’a de valeur, n’est reconnu que ce qui est exposé, visible par tous. Il ne suffit pas de faire il faut communiquer sur ce que l’on fait. Et même parfois communiquer d’autant plus qu’on ne fait pas grand-chose. Nous le voyons dans l’actualité politique ainsi qu’au cœur des conflits armés qui ensanglantes bien des régions. On parle même de guerre de communication !
Malheureusement cette injonction à la visibilité se fait sentir aussi dans notre Eglise. L’importance de rendre visible tout ce que l’on fait, de communiquer en permanence et sur tout les fronts, jusque, pour certains, à veiller à ce que leur dévotion puisse être remarqué de tous… tout cela habite bien la vie de notre Eglise de France.
Nous connaissons les dégâts d’une telle attitude. L’exemple de fondateurs ou d’influenceurs du net, comme on les appelle, qui se sont brulés les ailes suite à une sur-médiatisation ne manquent pas. Inutile de les nommer, les média s’en chargent. Nous les avions, pour certains, canonisés avant leur mort. Pour d’autres leurs paroles étaient devenues référence absolu, indiscutable. Mais ils se sont perdus, emportés, je crois, par l’orgueil qu’une telle médiatisation à pu faire naitre et grandir en eux, leur laissant croire qu’ils étaient dispensés de toute prudence et du simple respect de la loi et des personnes.
« Heureux les humbles de cœurs » nous a dit Jésus pour la fête de Toussaint. L’humilité supporte mal la médiatisation. Elle est plus à l’aise dans le silence et dans la discrétion. Souvenons nous que Jésus à dit également « Que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite » et aussi « quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme ta porte, et prie ton Père qui est là dans le secret »
Jésus nous mets en garde, il nous invite à convertir notre regard pour qu’il se porte non pas sur les scribes et les hommes riches du temple mais sur la pauvre veuve, sur les héros du quotidien, les humbles ouvriers de son Royaume. Il nous invite à vivre la mission qu’il nous confie en ne nous souciant uniquement que de ce que lui en pense, et en veillant que notre vie soit toujours plus en accord et l’expression de son commandement de nous aimer les uns les autres comme il nous aime dans l’humble don de nous même.