Le feu de l’amour de Dieu

Homélie du père Jean-Luc Barrié :
« Pensez-vous que je sois venu mettre la paix sur la terre ? Non, je vous le dis, mais bien plutôt la division. »
Qu’elle étrange parole de Jésus ! Lui que nous célébrons comme le Prince de la paix, lui dont toutes les paroles appellent à la paix et à la réconciliation, lui qui à l’heure de son arrestation dira « Rentre ton épée, car tous ceux qui prennent l’épée périront par l’épée. », lui qui nous invite à une unité à l’image de la sienne avec son Père, comment peut-il dire être venu amener la division ?
Je crois que Jésus ne parle pas ici des raisons de sa venue mais des conséquences de sa mission.
Il est venu nous révéler l’amour infini de Dieu, la tendresse du Père, son désir de nous voir tous réunis dans sa vie divine de paix et de gloire. Il est venu nous apprendre l’amour du prochain et le don de soi par amour. Mais tout cela peut provoquer des réactions négatives, du rejet, de la peur, de l’exclusion et même de la violence, en témoigne sa mort sur la croix et les vies données par les martyrs dès les débuts de l’Eglise, au cours des siècles et jusqu’à aujourd’hui.
Une des réponse à notre question pourrait se trouver dans la phrase de Jésus : « Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! »
Quel est donc ce feu, si ce n’est celui de l’amour, de la passion amoureuse.

Notre pratique religieuse n’est plus portée par une vie sociale rythmé par la religion comme ce fut le cas il y a quelques décennies. Elle n’est plus « naturelle », elle demande un engagement personnel, une volonté, un désir profond. On ne vient plus à la messe par habitude, pour faire comme tout le monde ou pour rencontrer des personnes que nous ne verrions qu’à cette occasion. Nous venons à la messe par amour pour le Seigneur, parce que nous voulons recevoir éclairage de sa Parole, la force de son pain de vie, la prière de nos frères et sœurs. Nous venons à la messe par amour. Nous pratiquons notre foi par passion amoureuse pour Dieu.

Et si la passion est un moteur très fort qui nous rend capable de dépasser nos peurs, nos hésitations, nos limites, elle peut-être aussi source de souffrance et de conflit. Car si nous sommes animés de cette même passion pour Dieu elle ne s’exprime pas de la même manière pour les uns et pour les autres, elle ne nous conduit pas à faire les mêmes choix, elle peut nous amener aussi à durcir nos positions, à nous sentir agressés par d’autres pratiques, à nous pousser à la critique et même au rejet d’autres sensibilités. La passion comporte le risque de durcir les positions des uns et des autres et donc d’être source de conflit. Je me demande si ce n’est pas ce à quoi Jésus fait allusion quand il nous dit :
« Pensez-vous que je sois venu mettre la paix sur la terre ? Non, je vous le dis, mais bien plutôt la division. »
Alors comment éviter ce travers de la passion qui nous anime et qui est une force extraordinaire qu’il ne nous faudrait pas brimer pour autant ? Peut-être St Paul nous donne-t-il une piste en nous disant « courons avec endurance l’épreuve qui nous est proposée, les yeux fixés sur Jésus, qui est à l’origine et au terme de la foi. » Garder les yeux fixés sur Jésus ! Nous rappeler toujours que c’est lui qui est à l’origine de notre foi, de notre passion, mais aussi de celle de mon frère, de ma sœur qui vit la sienne de manière différente. Ne jamais laisser la sensibilité ou l’idéologie gagner sur cette foi commune, sur cette passion amoureuse commune, sur le Christ Jésus centre de tout et qui est à l’origine de tout. Alors nous apprendrons à nous aimer les uns les autres comme il nous aime et par la même à témoigner de son amour devant tous les hommes.