Homélie du Père Jean-Luc Barrié :
La dispute entre les deux sœurs Marthe et Marie peut nous paraitre bien étrange à nous occidentaux du 21ème siècle. Car si Marthe se fâche contre sa sœur c’est moins parce qu’elle ne l’aide pas à préparer le repas que du fait que Marie, à ses yeux, n’est pas à sa place au pied de Jésus.
La première lecture nous donne un éclairage important. Abraham accueille trois personnages qui sont envoyés de Dieu. Quand ils lui demandent où est sa femme Sara il répond «Elle est à l’intérieur de la tente. » Et oui tel est la place de la femme à l’époque, sous la tente ou à la maison pour faire le ménage, préparer les repas, s’occuper des enfants, mais sûrement pas assise à écouter le Rabbi, le Maitre ou même des invités prestigieux. Marthe est choquée que sa sœur ne respecte pas les conventions sociales qui régissent la vie de son époque.
Jésus, lui n’a que faire des conventions sociales, et il va même très loin dans sa réponse « Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée. » Jésus ne se laisse pas contraindre par des habitudes, des traditions, des conventions. Il s’entourera de personnes pas toujours recommandables, il parcourt le pays avec ses apôtres et un groupe de femmes, il mange chez qui l’invite et même chez des pécheurs publics, il se laisse caresser les pieds par une femme de mauvaise vie, il dialogue longuement avec un Samaritaine, etc.
Pour Jésus rien ne peut arrêter, faire obstacle à l’annonce de la Bonne Nouvelle de l’Amour de Dieu pour nous. « On ne met pas du vin nouveau dans de vieilles outre » dira-t-il, expliquant ainsi son attitude face à la tradition, aux conventions. L’annonce de l’Evangile, la fraternité, l’amour du frère, le don de soi par amour dépasse ce qui se fait ou de ce qui ne se fait pas.
Je crois que cette attitude fondamentale de la mission de Jésus est vraie aussi pour l’Eglise aujourd’hui et en conséquence pour nous.
Les conventions sociales, les « ont a toujours fait ainsi », les « cela ne se fait pas », ou les « surtout soyons prudents », sont des obstacles à l’annonce de l’Evangile.
Notre Eglise se doit d’ouvrir toute grandes ses portes à tous et à chacun sans distinction aucune. L’annonce de l’Evangile ne doit pas être limitée à ceux qui paraissent cocher toutes les cases du « bon futur chrétien bien sous tout rapport ». L’Evangile est pour tous et en premier lieux pour ceux qui, peut-être, ne nous en semblent pas digne. « Je ne suis pas venu pour les bien portants mais pour les malades » a dit Jésus. Nous devons élargir notre regard, ouvrir nos bras pour que chacun puisse se sentir attendu, accueilli, accepté tel qu’il est, avec ses richesses mais aussi ses pauvretés et ses limites. L’entre soi, entre « bons chrétiens » cochant toutes ou presque les bonnes cases, cet entre soi est, à mon avis, dangereux pour l’Eglise, il est même mortifère. Acceptons de nous laisser bousculer par tous ceux qui ne sont pas dans nos conventions, nos critères et notre Eglise deviendra réellement catholique, c’est-à-dire ouverte à tous puisque tel est le sens de ce mot.
Cela nous demande un grand effort mais c’est le prix à payer pour être fidèle au Christ. Relisons l’Evangile et nous verrons qu’il va prioritairement vers tous ceux que la société de son époque rejetait ou mettait de coté, les lépreux, les paralytiques, les aveugles, les publicains, les femmes et même les femmes de mauvaise vie. « Les publicains et les prostituées vous précèdent dans le royaume de Dieu » dit-il à ses contemporains qui avaient grand souci de ne pas se rendre impur en fréquentant certaines personnes.
Demandons au Seigneur la grâce de la conversion pour notre Eglise, nos communautés, et pour chacun d’entre nous, afin que tous, qui qu’ils soient, qu’elle que soit leur vie, se sentent attendus, accueillis, aimés dans notre Eglise.