Cette page d’évangile me semble être marquée par la peur face à une crise. Nous voyons les apôtres confrontés à un vent contraire qui secoue dangereusement leur embarcation, les mêmes qui voyant Jésus arriver marchant sur l’eau sont effrayés et enfin Pierre, téméraire, veut rejoindre Jésus sur l’eau, qui est pris de peur et perd pied.
La peur nous la connaissons aussi. Dans un siècle qui connait des tempêtes à répétitions, secoué par des crises qui se surajoutent les unes aux autres, nous pouvons nous aussi être pris de peur. Nous sommes au cœur d’un changement de société que le philosophe Michel Serre à comparé au passage du Moyen Age à la Renaissance, c’est-à-dire la fin d’un monde, d’une manière de vivre à un autre dont nous ne voyons pas encore ce qu’il sera. S’ajoute à cela l’angoisse que provoque la crise écologique et climatique, la crise migratoire, sans compter la crise de notre Eglise occidentale qui voit son place se réduire comme peau de chagrin dans cette société sécularisée.
Oui nous avons bien des raisons d’avoir peur nous aussi.
Et pourtant le Seigneur nous le dit à nous aussi « Confiance, c’est moi, n’ayez pas peur !».
Dans ce monde aussi effrayant qu’il puisse être, Jésus nous rappelle qu’il est présent et qu’il continue à conduire notre histoire. Les mots « Le royaume de Dieu est présent au milieu de vous… Le Royaume de Dieu est déjà là » sont ceux de sa prédication pendant ses trois années de vie publique.
Le Royaume de Dieu est présent au milieu de nous, même au cœur de ce changement de société, même dans les pires crises auxquelles nous sommes confrontés, parce que Dieu s’est fait homme en Jésus et qu’aujourd’hui, par son Esprit Saint, il habite et anime le cœur des hommes et des femmes de ce temps. Oui son Royaume est là, son projet de salut, de bonheur pour l’humanité est en œuvre et il grandit n’en doutons pas. Gardons confiance, éclairées par son Esprit Saint les générations présentes et futures sauront trouver les réponses adéquates aux problèmes posés, elles sauront inventer de nouvelles manière de vivre ensemble qui permettrons de dépasser les crises d’aujourd’hui. Toute l’histoire de l’humanité s’est écrite ainsi. Il n’est pas de raison qu’il en soit autrement aujourd’hui et demain. Dieu ne nous abandonne pas, il nous donne de vivre un exode qui nous mène en terre promise.
Notre temps n’est pas le sien, pour lui un jour est comme mille, et son action est peut-être pour nous difficile à reconnaitre. Comme en a fait l’expérience le prophète Elie, Dieu n’est pas dans l’ouragan, ni dans le tremblement de terre, ni même dans le feu, mais bien dans le murmure d’une brise légère. Qui y a-t-il de plus discret, qu’est-ce qui passe plus inaperçu que le murmure d’une brise légère. Pour le remarquer il faut avoir une forte volonté de l’entendre, de le sentir. Il en va de même aujourd’hui, pour reconnaitre la présence et l’action de Dieu en notre monde, pour voir son Royaume grandir au milieu de nous, il faut une forte volonté, une grande attention, un regard aiguisé, une écoute affutée. Mais c’est je crois l’effort qui nous est demandé, la mission qui nous est confiée pour que nos contemporains ne sombrent pas dans le désespoir pris par la peur, une peur qui paralyse et éteint toute espérance.
Apprenons à reconnaitre la présence et l’action de l’Esprit dans les gestes, les paroles, les attitudes du quotidiens de ceux qui nous entourent, et dans le monde, tout ce qui fait grandir le Royaume de paix, de justice, d’amour, de tendresse, de vie, et demandons la grâce au Seigneur de savoir nous en réjouir et surtout de savoir en témoigner. Le monde a besoin de tels témoins pour tenir debout dans la tempête.