L’amour pour nous sauver

Homélie du Père Jean-Luc Barrié :

Que de souffrances ! La lecture de la Passion nous plonge dans les tréfonds de la souffrance humaine. Nous trouvons dans ce récit tant de misères vécues aujourd’hui et au cours des siècles par tant d’hommes et de femmes. Souffrances physiques, psychologiques, affectives, sociales… Sur Jésus semble tomber tout ce qui dans le monde accable nos frères et sœurs.
Lui le Fils de Dieu, Dieu fait homme, se trouve défiguré par la souffrance, comme le dit le Prophète Isaîe : « il était si défiguré qu’il ne ressemblait plus à un homme ».
Un jour un jeune me confia qu’il était très gêné par les représentations du Christ en croix, il ne supportait pas toute cette souffrance affichée. Il ne comprenait pas que des chrétiens puissent se recueillir et contempler un tel instrument de torture et un homme mort à bout de force, épuisé de souffrance, étouffé de malheur.
Je crois que la réflexion de ce jeune rejoint la question que beaucoup se posent : pourquoi fallait-il tant de souffrance pour nous sauver du péché et de la mort ?


Raniero Cantalamessa, ancien prédicateur de la maison Vaticane, a écrit « La vérité, c’est que nous n’avons pas été sauvés par les souffrances du Christ, mais par son amour ! Plus précisément, par l’amour exprimé dans son sacrifice. »
Jésus ne nous a pas sauvés par sa souffrance mais par son amour, par son amour exprimé dans le don de sa vie. Dieu est père et mère à la fois, une mère ne donnerait-elle pas sa vie pour ses enfants ? Dieu a donné la sienne sur la croix par amour pour nous.
Cette passion de notre Seigneur ne nous parle en fait que d’amour. De l’amour infini de Dieu pour nous. Dieu est amour, il n’est même que cela et c’est ce que nous dit le mystère de la trinité.
Le même Raniero Cantalamessa écrit à ce propos : « Le Père céleste et son Fils Jésus était ensemble dans la passion et ensemble sur la croix. Plus qu’aux bras du bois de la croix, Jésus était cloué au bras du Père, c’est-à-dire à sa volonté. Et comme, dans l’éternité, de l’embrassement ineffable et bienheureux du Père et du Fils procède l’Esprit Saint, don de leur amour réciproque, ainsi à présent, dans le temps de l’embrassement douloureux du Père et de son Fils sur la croix a jailli l’Esprit Saint, don du Père et du Fils pour nous. »
Nous sommes invités à contempler la croix comme l’expression absolue de l’amour de Dieu, de l’être même de Dieu car pour Dieu être c’est aimer.

Et c’est ce même amour qui est notre seule réponse à la souffrance de nos frères et sœurs en humanité aujourd’hui. St Paul a écrit que « là où le péché s’est multiplié, la grâce a surabondé. » je crois que, quand la souffrance se multiplie, l’amour doit surabonder.
Il est de notre responsabilité de faire surabonder l’amour, celui de Marie et des saintes femmes qui suivent Jésus, ainsi que Jean, celui de Simon de Cyrène, celui de Joseph d’Arimathie, du bon Laron et du centurion et même l’amour si maladroit de Pierre.
Oui seul l’amour peut sauver le monde. Seul l’amour de Dieu révélé en Jésus sur la croix nous sauve de la mort, et ce même amour dont nous sommes les témoins et les instruments bien fragiles peut sauver notre civilisation d’une déshumanisation destructrice.
Contemplons la croix, signe de cet amour infinie de Dieu, qu’il emplisse nos cœurs et puisse en déborder dans notre quotidien jusqu’à en inonder le monde.