Homélie du Père Jean-Luc Barrié :
Jésus nous offre une très belle et très riche parabole. Essayons de l’accueillir comme si nous l’entendions pour la première fois pour qu’elle nous livre toute sa nouveauté.
On y voit un fils cadet qui réclame sa part d’héritage avant la mort de son père et qui s’éloigne de lui, dépensant toute sa richesse « dans une vie de désordre » Puis l’on découvre un père très aimant qui accueille ce fils prodigue sans jugement, sans reproche, le couvrant de baisés et organisant une fête énorme pour son retours.
Au centre de ce récit le point charnière, le point de bascule me semble être quelques mots qui risquent de passer inaperçu : « il rentra en lui-même ». C’est ce fils perdu qui s’arrête, fait silence, et cherche au plus profond de lui-même les raisons de son malheur, de son désespoir, il cherche l’erreur qu’il a pu commettre, quand et en quoi il s’est trompé. Il creuse son puits intérieur, comme dit Christian de Chergé. Et il comprend qu’il a quitté son Père pour chercher une vie plus joyeuse, pleine de plaisir et de jouissance et de fête. Peut-être étouffait-il un peu entre son père et son frère ainé ? Peut-être le travail de la ferme ne comblait pas toutes ses attentes, tous ses désirs ? Mais il comprend que son choix n’était pas le bon, qu’il n’a pas trouvé le bonheur espéré. Il prend conscience que c’est auprès de son père qu’il pourra s’épanouir, que c’est dans cette relation d’amour et de confiance et non dans les biens matériels que se trouve la source du vrai bonheur.
Son frère ainé fait aussi une erreur de jugement. Il dit à son père « Il y a tant d’années que je suis à ton service » il se situ face à son père comme un serviteur alors que ce dernier lui répond « Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. » Il ne conçoit pas sa relation à ses fils comme celle d’un maitre et ses serviteurs, mais comme un père avec ses enfants. Il veut une relation d’amour, une amitié qui implique qu’il n’y ait pas de relation de pouvoir et de subordination mais un amour qui est don de soi à l’autre.
Un jeune fils qui quitte son père pour faire la fête et qui découvre que c’est chez lui, avec les siens que la fête est la plus belle. Un frère ainé qui apprend de son père le pardon et la joie des retrouvailles.
Voilà une parabole qui nous parle de fête et de joie, mais qui nous invite aussi à faire, comme le fils perdu, à rentrer en nous-mêmes, à creuser notre puits intérieur, à nous recentrer sur l’essentiel, repérer nos erreurs, revenir sur le chemin du vrai bonheur, abandonner les fausses joies, les plaisirs fuguasses qui nous distraient du vrai épanouissement que l’on ne trouve que dans une relation d’amour, d’amitié, de don de soi avec Dieu et avec nos frères.
Rentrer en soi-même, creuser notre puits intérieur, pour entrer en dialogue d’amour avec notre Père du ciel, pour nous mettre à son écoute dans la lecture et la prière de sa Parole, recevoir ses sacrements, pour lui demander de nous apprendre à mieux aimer nos frères et sœurs, à nous donner de voir où il nous attends pour partager cet amour dont il nous comble.
Et n’oublions pas que Dieu nous attend, qu’il n’a qu’un désir c’est de nous couvrir de baisers, et nous combler de joie dans une fête sans fin de retrouvaille et de fraternité.