« C’est ainsi que mon Père du ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère du fond du cœur. »
L’Evangile de ce jour ainsi que la première lecture nous invitent de manière forte au pardon. Cela fait échos aux paroles que nous prononçons chaque fois que nous disons le Notre Père : « pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés. »
Cette notion de pardon n’est donc pas anecdotique dans notre foi chrétienne, elle n’est pas une option que nous pourrions prendre ou laisser. Elle est essentielle et fondamentale. Et en même temps tous ceux qui parmi nous ont été profondément blessés ou trahis savent, mesurent, combien il peut être difficile de vivre ce pardon. Je pense aussi à ce que vivent les Ukrainiens et combien ces paroles sont pour l’instant peut-être inaudibles pour eux.
Pour pardonner il nous faut, dans un premier temps, je crois, essayer d’adopter le regard de Dieu sur chacun de nous. Pour Dieu nous ne sommes jamais réduits à l’acte que nous avons posé. Nous ne sommes pas un voleur même si nous nous sommes appropriés un bien qui ne nous appartient pas. Nous ne sommes pas un criminel même si nous avons tué quelqu’un. Pour Dieu nous ne nous résumons pas à la faute que nous avons commise aussi grave soit elle. Dieu voit en nous tout le beau, le grand, le vrai, la capacité d’amour et de fraternité, toutes nos richesses intérieures et il ne se focalise pas sur notre seul péché. Un psychologue disait qu’il ne faut jamais dire à un enfant « Tu est vilain. » Car un enfant n’est pas vilain même s’il a dit un mot méchant, même s’il a eu un geste malheureux. Un enfant n’est jamais vilain, il a un cœur pur mais a parfois, comme nous, des pulsions qu’il ne maitrise pas, comme nous il commet des erreurs…
Demandons à Dieu de nous donner un tel regard sur nos frères et sœurs, un regard qui n’enferme pas dans la faute commise mais qui au contraire relève toutes les potentialités positives qui habitent leur cœur.
Pour Dieu pardonner c’est aussi rendre une entière et totale confiance malgré l’infidélité, malgré la transgression. Dieu n’oublie pas le mal qui a été fait, il ne « lave pas plus blanc que blanc », il n’élimine pas non plus les conséquences de ce mal, mais il nous redonne sa confiance infini malgré tout. Souvenons nous de la parabole du père Miséricordieux qui accueille son fils prodigue et lui remet la bague au doigt signe de sa dignité, de sa place retrouvée. Dieu dans les sacrements du pardon, malgré nos péchés, nos infidélités, nous dit qu’il nous fait confiance, qu’il compte sur nous pour annoncer son évangile, pour signifier sa présence et son amour à nos frères et sœurs, pour participer à la croissance de son Royaume autour de nous.
C’est peut-être là ce qui est, pour nous, le plus difficile. C’est ce que veut dire Jésus quand il parle de pardonner son frère du fond du cœur, « pardonner 70 fois sept fois ». Un pardon du bout des lèvres n’est déjà pas facile mais du fond du cœur, qui redonne toute la confiance, peut sembler inaccessible.
Et pourtant c’est que notre pays a vécu après la dernière guerre mondiale. Nous n’avons pas oublié les horreurs commises par le 3ème Reich mais nous avons pu nous réconcilier avec le peuple allemand et construire ensemble l’Europe. Le pardon est donc possible, il est indispensable, lui seul ouvre un avenir, une capacité de vivre et construire ensemble.
Demandons à Dieu de nourrir en chacun de nos cœurs sa miséricorde, sa force de pardon. Demandons lui de pardonner en nous pour que nous puissions pardonner comme lui. C’est là un chemin de salut, de justice et de paix. C’est aussi une source d’espérance pour nous même et pour notre humanité.