Matthieu ne nous dit pas grand-chose de la naissance de Jésus si ce n’est une phrase «Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand. » Cependant il prend le temps de nous raconter en détail la visite des mages. Il nous dit qu’ils viennent d’Orient c’est-à-dire d’Arabie, de Chaldée ou de Babylone, en un mot du monde païen. Ce sont des étrangers au pays mais aussi à la religion juive. Guidés par une étoile ils viennent pour se prosterner, disent-il, devant le roi qui vient de naitre. Arrivés à Bethleem « tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant lui.
Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe. » C’est bien une attitude d’adoration, de vénération réservée à Dieu. Les cadeaux sont symboliques, l’or pour le roi de l’univers, l’encens réservé à Dieu et à Dieu seul, la myrrhe parfum venu d’Arabie très prisé à l’époque, servait à l’onction des prêtres mais aussi à la préparation du corps d’un défunt, c’est l’annonce du don de sa vie que fera Jésus pour sauver l’humanité. Ces étrangers apportent les biens les plus précieux de leur pays pour honorer, pour adorer le nouveau roi, Dieu fait homme. Cette foi des païens contraste fortement avec la froideur et la distance d’Hérode et des habitants de Jérusalem.
Matthieu, qui s’adresse à des juifs convertis à Jésus, veut ouvrir ses lecteurs à une dimension universelle du message chrétien. Il leur explique que, dès sa naissance, Jésus a offert son salut à toute l’humanité. Il ouvre les yeux et le cœur des chrétiens qui l’entourent à plus large, plus loin que le petit horizon qui est le leur. « Des étrangers ont peut-être plus la foi que vous » leur laissent-il entendre.
Ce message me semble toujours d’actualité. En cette crise de pandémie qui nous replie un peu plus sur la sphère familiale, limitant les contacts et les relations, en ces temps où l’individualisme s’enracine de plus en plus dans notre société occidentale, en cette année d’élection qui a tendance à focaliser notre regard sur notre seule nation, et à un repliement identitaire, le message de Matthieu me semble salutaire.
Nous ne pouvons vivre notre foi, notre vie sociale, économique et politique, en ne voyant que le petit monde qui nous entoure. Il est fondamental d’ouvrir notre regard et notre intelligence plus largement car, comme aime le répéter notre pape François dans son encyclique « Laudato si », tout est lié.
Tout est lié. Notre surconsommation d’énergie qui réchauffe l’atmosphère, provoque des sécheresses et des famines à l’autre bout de la planète et pousse ses populations à venir chercher de quoi survivre chez nous. Les armes que nous vendons à des dirigeants étrangers, servent aux guerres et massacres de civils qui n’ont d’autre choix que de venir chercher l’asile chez nous. Tout est lié. La déforestation, la monoculture imposée à des populations déjà touchées par la pauvreté provoque des famines et des migrations incontrôlables. Tout est lié.
De la même manière tous les gestes de solidarité, de partage, les efforts de moins polluer, de consommer de manière plus raisonnable, ont un impact à terme sur la vie d’hommes et de femmes de l’autre bout de la planète. Tout est lié.
Je crois, qu’en ces premiers jours de l’année, la fête de l’épiphanie nous ouvre à regarder plus loin, à entendre les cris de nos frères et sœurs de pays pauvres ou en guerre. Cette ouverture nous permettra de mesurer la chance que nous avons de vivre ici, du décalage qui existe entre notre vie et la leur, mais surtout d’ancrer en nos cœurs et nos pensées le fait qu’ils sont nos sœurs et nos frères, filles et fils du même Père, sœurs et frères du même Christ Jésus. Comment pourrions-nous tourner le dos, ignorer égoïstement ceux qui nous sont en fait si proche ?
Qu’avec cette fête de l’Épiphanie, nous puissions coiffer cette année 2022 la couronne de la fraternité universelle à laquelle nous invite Matthieu. Cette fraternité est porteuse de la joie de l’espérance que nous nous souhaitons pour cette année nouvelle.