Quand la nuit obscure envahit nos vies, quand les ténèbres de la violence, de la souffrance, des divisions, de l’injustice, de la maladie viennent assombrir nos familles, nos villages, notre monde ; face à ces ténèbres il nous arrive de nous tourner vers Dieu et lui
demander son secours. Nous aimerions alors qu’il agisse avec force comme pour Abraham à qui il donne une descendance, comme pour Moïse et le peuple hébreux qu’il libère de l’esclavage en lui permettant de traverser la mer à pied sec ou comme avec le roi David à qui il donne la victoire de grandes batailles contre ses ennemis. Oui nous espérons une intervention de Dieu forte, vive, puissante, efficace.
Et lui, ce soir, nous répond d’une façon bien surprenante. La naissance d’un bébé couché dans la paille d’une étable avec pour seuls témoins des bergers, c’est-à-dire des hommes méprisés, exclus de la vie sociale et religieuse que personne n’écoutera. Dieu nous répond par le silence d’un bébé. Vous me direz qu’un nouveau né peut crier, c’est sûr, mais il ne parle pas, il n’explique pas, il ne justifie pas, il n’argumente pas. Il y a bien chez lui une forme très forte de silence. Et c’est bien ce silence que Dieu a choisi. Ce silence nous le retrouvons tout au long de la vie de Jésus, tout d’abord dans les trente années de vie ordinaire à Nazareth dont nous ne savons rien, rien sur sa vie familiale, sociale, sur son travail, ses amis, rien ! Trente ans de silence pour trois ans de vie publique ! Silence de Dieu quand son Fils agonise sur cet instrument de supplice. Silence difficile à comprendre et plus encore à supporter. Un silence qui nous laisse croire que Dieu nous ignore, ou qu’il nous a oubliés. « Seigneur, Seigneur, pourquoi m’as-tu abandonné » sera le cri de Jésus sur la croix.
Mais ce silence est avant tout une présence silencieuse. Présence d’un Dieu qui ne s’impose pas, qui n’utilise pas la force, qui n’oblige en rien, qui respecte infiniment notre liberté jusqu’à accepter sa mise en danger comme petit enfant, le rejet et l’exclusion et jusqu’à sa mise à mort sur la croix.
Mais une présence silencieuse qui est d’une force incroyable. La présence silencieuse d’un nouveau né qui bouscule toute la vie de ses parents.
Présence silencieuse qui les décentre d’eux-mêmes pour ne plus vivre que pour lui, qui leur impose son rythme de journée et de nuit. Une présence silencieuse qui est porteuse de joie indicible, mais aussi d’espérance et de vie. Combien de familles ont été reconstruites, réconciliées par la seule force de la présence d’un bébé ?
Dieu se révèle à nous présence silencieuse. C’est ainsi qu’il choisi d’intervenir dans l’histoire de l’humanité et dans la vie de chacun d’entre nous. Prenons conscience de cette présence, laissons nous toucher par le respect de Dieu pour notre liberté qu’elle nous révèle. Laissons cette présence nous donner force, vie, paix, joie et espérance.
Ce faisant nouveau né Dieu s’est fait aussi dépendant de son père et de sa mère, totalement dépendant comme l’est un petit bébé. Et ce pour nous dire qu’il veut être dépendant de notre bonne volonté pour faire grandir son Royaume d’amour, de justice et de paix. C’est sur nous qu’il compte, il a choisi d’avoir besoin de nous pour que son projet voit le jour.
N’attendons pas que Dieu intervienne à grand bruit, acceptons qu’il préfère travailler de l’intérieur le cœur de l’homme pour lui permettre d’être porteur, artisan du monde nouveau qu’il veut pour l’humanité.
Acceptons aussi que notre Église soit celle de l’étable de Bethléem, celle de l’atelier de Nazareth et celle du calvaire de Jérusalem. C’est-à-dire une Église qui ne s’impose pas, qui ne fait pas grand bruit mais qui par sa seule présence révèle l’amour et la tendresse de Dieu pour tout homme, donne à connaitre son projet pour l’humanité et soutient tout initiative participant à la croissance du Royaume de Dieu.
Le silence de la nuit de Bethléem a vu se lever une grande lumière sur l’humanité et monter la louange des anges. Que cette lumière illumine notre cœur et que cette louange en jaillisse.