« Amen, amen, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. Qui aime sa vie la perd ; qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle. » Par ces mots Jésus annonce à ses disciples ce que nous allons célébrer la semaine sainte, son arrestation, sa mort sur la croix et sa résurrection. Jésus s’est détaché de sa vie au point de la donner sur la croix. « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » dira-t-il aussi. C’est par amour, par pur amour, amour totalement gratuit qu’il a donné sa vie, qu’il s’en est détaché.
Il est le grain tombé en terre, qui meurt et qui donne du fruit. Le grain mort sur la croix, déposé au tombeau et qui trois jours après ressuscite. La comparaison est parlante. Si le grain n’est pas enseveli, s’il ne meurt pas, il ne peut donner du fruit. Par contre s’il meurt il donne la tige et l’épi. Et la différence entre le petit grain abandonné en terre et la tige et l’épi garni de grains, nous dit la disproportion entre notre vie terrestre et la vie qui nous attend, qui nous est promise, si nous aussi nous acceptons de nous en détacher en ce monde.
Il est clair qu’il n’y a pas ici de place pour l’égoïsme, l’égocentrisme, l’individualisme. C’est une toute autre attitude intérieure que Jésus nous invite d’adopter à sa suite.
Notre vie nous l’avons donné, cela semble clair dans le ministère de prêtre, ou la vie religieuse. Mais vous avez aussi donné votre vie dans l’engagement du mariage où vous vous êtes donné l’un à l’autre pour toujours. De même en donnant la vie à vos enfants. C’est bien là un don de soi, par amour, un don total, où l’on ne compte pas son temps, son investissement, ses efforts et sacrifices. Et nous savons combien nous avons reçu autant que nous avons donné et même bien d’avantage. C’est, en tout cas, ce que je ressens dans mon ministère.
Mais nous ne pouvons limiter le don de nous même à nos plus proches.
Nous ne pouvons vivre en faisant semblant d’ignorer toutes les attentes de ceux qui nous entoures, de ceux que nous croisons et même de ceux que nous ne connaissons pas personnellement et dont nous découvrons la détresse.
Nous ne pouvons pas dire que nous ne savons pas. Et nous ne pouvons pas nous cacher non plus derrière le prétexte que cela nous dépasse, que nous serions impuissants devant l’ampleur de la tache. Ne pas tout pouvoir ne nous dispense pas de faire ce que nous pouvons aussi petit cela soit-il.
Notre société occidentale est profondément marquée par un individualisme consumériste, qui nous amène à penser avant tout à notre petite personne et à rechercher notre épanouissement dans la consommation de bien matériel. Il nous est difficile de ne pas être touchés, influencés par cette vague de fond, cette ambiance générale. Un archevêque argentin du nom de Victor Emmanuel Fernandez a écrit « Je ne peux me libérer de l’individualisme consumériste qui nous étouffe que si je peux reconnaitre, que la fatigue des autres, qu’ils soient beaux ou qu’ils soient laids, agréables ou pénibles, passe avant ma propre fatigue. Leurs désirs passent avant mes désirs, leurs besoins avant les miens, leur faim et leur soif avant ma propre faim et ma propre soif. Ils ont énormément de prix et sont dignes d’une vie meilleure. »
Que ces paroles nous éclairent en ce dimanche du CCFD et pour les jours qui nous séparent de pâques.