Le 25 mai, les troupeaux sont montés en estive sur le plateau de l’Aubrac. C’est la transhumance, tradition venant de la nuit des temps, mais nécessaire et indispensable pour les exploitations d’élevage de la vallée du Lot ou des Causses. Vers la mi-octobre, ils redescendront : ce sera la Davalade.
Nous avons rencontré un couple d’éleveurs, Paulette et Christian Bonal, exploitants de la ferme des Fieux sur la commune de Saint-Côme d’Olt.
Bonjour Paulette, bonjour Christian ; Comment s’est passé la saison d’estive ?
Le troupeau reste du 25 mai au 13 octobre sur l’Aubrac, et durant 5 mois, il est laissé à la charge de la nature qui en prend soin ; l’estive s’est bien passée, les vaches et leurs veaux sont en totale liberté dans leur pâturage, de l’herbe et de l’eau à volonté. Il y a cependant une surveillance régulière, au moins une fois par semaine, ce qui permet des soins rapides si nécessaire.
Le 13 octobre, les troupeaux vont regagner la vallée ; comment cela se passe-t-il ? Lorsqu’il y avait la traite et la fabrication du fromage dans les burons, le 13 octobre était le jour fatidique où il fallait descendre le troupeau, car il n’y avait plus aucun buronnier, c’était la fin de leur contrat de travail. Aujourd’hui, la date est beaucoup moins impérative, car il n’y a plus de buronnier.
La descente du troupeau, la davalade, est fonction de l’herbe restante, du temps qu’il fait et du regain qui a poussé à la ferme après les foins. Ce retour des animaux dans les prairies de la vallée se fait vers la fin octobre. Cependant, les veaux ont déjà été sevrés et descendus en camion fin septembre.
Il est certain que les animaux perçoivent à l’avance mieux que nous les variations climatiques ; à cette période les vaches sentent que le mauvais temps va arriver, l’herbage de montagne est beaucoup moins bon, et donc dès l’ouverture de la barrière elles prennent le chemin de la descente sans se faire prier.
Faites-vous la fête aussi pour la davalade ?
Ce n’est pas la même chose, l’hiver arrive, le temps est plus maussade, froid et pluvieux ou il y a déjà de la neige, les hommes comme les animaux sont moins enclins à faire la fête. Cela n’empêche pas qu’il y a quelques cloches ou drapeaux mais ce n’est pas le même engouement. Parfois il arrive que quelques randonneurs accompagnent le troupeau.
Le troupeau est descendu ; il a repris ses aises sur la ferme des Fieux ; que deviennent alors les animaux, vaches et veaux ?
Les vaches retrouvent leur pâturage d’automne avec une nourriture abondante et verte, le regain, qui va leur donner la vitalité nécessaire pour affronter l’hiver et une nourriture faite uniquement de foin, donc plus sèche. Elles seront rentrées à l’étable fin novembre, début décembre en fonction des intempéries.
Les veaux mâles sont gardés jusqu’à l’âge d’un an pour être vendus fin-janvier, début-février en Italie ; les meilleurs veaux Aubrac partent pour la reproduction. Les femelles Aubrac sont soit gardées pour le renouvellement du troupeau soit vendues pour la reproduction ; les femelles croisées charolais sont vendues sous le label « fleur d’Aubrac ».
En conclusion que peut-on dire de ce système d’exploitation ?
Ce système d’exploitation est la base du système extensif, sur prairie naturelle, mis en place par nos anciens depuis des générations ; il permet une exploitation de la prairie naturelle sans surexploitation avec une période de l’année où elle est laissée au repos. C’est la trêve hivernale pour le pâturage qui se préparera à accueillir le troupeau l’année suivante. C’est un cycle vertueux, écologique et respectueux de l’environnement en respectant la notion de temps et de saison tout en assurant l’entretien indispensable de l’espace naturel.
Pendant la période d’estive les touristes viennent-ils voir le troupeau ?
En effet et notamment en juillet et août, il arrive souvent que des promeneurs, randonneurs, touristes viennent voir le troupeau. Beaucoup viennent aussi se recueillir au pied de la croix qui est plantée dans la montagne. Cette croix en granit sur un pied en orgue de basalte a été érigée par mon père lorsqu’il a acheté la montagne. Elle vient de la ferme familiale. Elle est là pour signifier que la famille Bonal est une famille chrétienne, que l’Aubrac est une terre de chrétienté et pour confier le troupeau, tel un membre de la famille, à la nature mais aussi à Dieu
Entretien réalisé par Jean Claude Fontanier dans les cadre de Camin’Olt