Jésus prend à part, sur la montagne, à l’écart des autres disciples et apôtres, Pierre, Jacques et Jean. Là il se révèle à eux dans sa gloire. Il se montre à eux non plus comme l’homme qu’ils connaissent et avec qui ils vivent depuis plusieurs mois, mais comme Dieu lui-même, Dieu fait homme qui marche avec eux. La présence de Moïse et d’Elie, deux grandes figures des relations entre Dieu et son peuple témoignent de cette divinité de Jésus qui leur apparait alors.
La réaction des trois apôtres a de quoi nous étonner. Luc nous dit qu’ils étaient accablés de sommeil. Comment peut-on avoir envie de dormir face à une telle merveille, dans un évènement aussi extraordinaire ? Avouez que c’est étonnant. On va retrouver une réaction similaire aux heures de la passion. Après le dernier repas célébré par Jésus, pendant lequel il institue l’eucharistie, il va sur le mont des Oliviers, au jardin de Gethsémani, et là il prend à part Pierre, Jacques et Jean, les mêmes, et leur demande de prier avec lui et eux s’endorment pendant que lui est pris dans une angoisse terrible. «Mon âme est triste à mourir » leur dit-il. Mais eux tombent de sommeil, incapables de veiller. Comment s’endormir quand son Maitre et Seigneur est confronté à l’absolu de la souffrance humaine, voyant arriver sa mort atroce sur la croix ?
Une explication possible à ses deux grosses fatigues des apôtres tient au fait qu’ils ne peuvent garder les yeux ouverts devant de tels mystères. Ils ne peuvent regarder en face, voir de leurs yeux la gloire de Dieu, la lumière éblouissante de sa divinité. De même ils ne peuvent pas non plus garder les yeux ouverts, regarder en faire la souffrance de Dieu fait homme, voir Dieu être pris d’angoisse, arrêté, jugé, torturé et mis à mort sur la croix. Qui peut voir la gloire de Dieu face à face ? Qui peut regarder Dieu mourir en Croix
Les apôtres et nous-mêmes sommes là devant un mystère si grand qu’il nous accable d’incompréhension, que nous ne pouvons prétendre le comprendre, l’expliquer, et il peut nous arriver d’avoir du mal à l’accepter.
Puisque Dieu s’est fait l’un de nous, ce que révèle la transfiguration, il s’est fait solidaire de toute la souffrance humaine, ce que nous révèle sa passion, alors nous ne pouvons que le reconnaitre dans nos frères et sœurs en souffrance à travers le monde. Nous ne pouvons pas détourner le regard, ou nous endormir sur notre confort, face à Dieu qui nous appelle, qui nous demande son aide.
« Ce que vous avez fait à l’un de ses plus petits qui sont mes frères c’est à moi que vous l’avez fait » nous a-t-il dit.
Le temps de carême nous invite à nous réveiller et à ouvrir nos yeux pour voir et entendre Dieu qui se révèle dans les événements de ce monde, dans sa présence en nos frères et sœurs en souffrance. S’il se révèle en eux, ainsi que dans tous les artisans de paix et de justice, alors Dieu met en nos cœurs une espérance, celle de son Royaume de paix, de joie et d’amour, qui, malgré les soubresauts de l’histoire humaine, ne peut que se construire, qu’avancer vers sa réalisation finale dans la plénitude de sa lumière et de sa gloire. Face aux évènements d’Ukraine et d’ailleurs, face à nos propres souffrances échecs ou malheur, n’oublions jamais que Dieu a choisi de partager tout ce qui fait notre vie, tout ce qui touche notre humanité, et qu’il s’y révèle présent, acteur d’un monde nouveau de paix, de justice et d’amour qu’il veut pour nous. Et même si à l’instant nous avons du mal à l’entrapercevoir gardons confiance en sa promesse, gardons l’espérance de jours meilleurs.
Que Dieu nous en donne la grâce.